Snow&Cold [PV Lishee]

Le vent soufflait ; fort. Il emportait avec lui de la neige. Ce n'est pas ce qui manquait ici, dans ce désert glacé. Tout était de blanc nacré, et les températures étaient tout simplement invivables. Que pouvait-on y trouver ? Mis à part des brindilles mortes, pas grand chose. Rien de très vivant ne remuait par là. En pleine saison froide, il ne fallait pas s'attarder en ce lieu. Malgré tout, de nombreux loups s'y sont laissés mourir, même de grands arctiques avec leur pelage à toute épreuve. Mais si une âme perdue espérait pouvoir se servir sur un cadavre, c'était peine perdue. Avec ces températures, un corps mort gelait sans trop de peine. Il y avait parfois quelques abris, ci et là, que Dame Nature avait daigné former, au cas où. C'est comme ci cette étrange entité prenait plaisir à voir ses créations souffrir sous différentes formes, lorsqu'elles ne s'entre-tuaient pas. Dame Nature aimait la diversité ~.

C'est ainsi qu'un brave loup avait tenté de traverser le froid, et s'était retrouvé dans un petit trou rocheux. A vrai dire, ce brave loup était juste un peu perdu, attiré par quelque sensation forte. Mais là, il ne fallait pas abuser. Il fut pris au piège un beau matin, au milieu d'un blizzard, sans savoir ce qu'il faisait là. Le vent abîmait son poil déjà sale, et il sentait les cellules de son corps se congeler une à une. Ses pattes se perdaient à moitié dans la neige. Il était même méconnaissable, à présent d'un blanc nacré. Il avait beau s'ébrouer, la neige revenait aussitôt.

Ignorant l'endroit où il se trouvait, mis à part que c'était un endroit froid peut-être, une seule solution s'imposa à lui : trouver un abri. Car il pouvait marcher pendant des heures, la tempête continuerait de le suivre. Déjà, il ne sentait plus ses muscles. L'avancée devenait difficile. La neige semblait se transformer en glace, les flocons se solidifiaient. Mais en réalité, il avait perdu toute sensation. Il ne savait plus trop ce qu'il ressentait, mis à part qu'il allait perdre sa queue dans la neige, congelée, et que ses yeux se désorbitaient. Il ne voyait plus l'horizon ; son bel horizon, qui s'étendait à 5 minables centimètres de sa truffe. Mais sans savoir trop comment, le voilà découvrant un trou, grattant la neige pour s'y faufiler. Le trou était très petit, mais de part sa maigreur, il pourrait s'y faufiler sans trop de difficulté. Avec étonnement, il s'aperçut qu'il creusait bien plus profond qu'il ne le croyait, s'enfonçant sous terre. Il ignorait d'où venait ce trou - bien que ce trou n'eut pas la capacité de bouger -, ni même qui l'avait construit. Mais il le trouva merveilleux et plein de charme. Plus il s'enfonçait, plus le tunnel s'élargissait. Une fois au fond, il put même faire un demi-tour, et remonter un peu pour surveiller les alentours. On pouvait alors apercevoir de l'extérieur, un petit trou sombre, et des yeux jaunâtres brillants qui se faisaient ensevelir par la neige. Mais, ici, le jeune loup pouvait ressentir sa propre chaleur, et avoir l'espoir de vivre jusqu'à la fin de la tempête.

Du blanc.
Rien que du blanc, partout. Un paysage pur, sans aucun défaut. Toutes les surfaces étaient immaculées, tous les reliefs étaient arrondis, les tâches effacées. Il était impossible à quelconque être de voir quelque chose à plus de quelques centimètres. Le vent fouettait tout ce qui se trouvait en ces lieux, il n'y avait donc aucun signe de végétation, et encore moins de signes de vie. Et si, par mégarde, une vie s'y trouvait ; il y avait réellement peu de chances pour qu'elle continuait à y vivre longtemps. C'était comme ça, à la Toundra Nalize. Aussi, nous sortions à peine de la saison chaude, les températures n'étaient donc pas extrêmes... Ceci dit, elles étaient suffisament basses pour rebuter même un Loup Arctique ! Vous comprendrez ainsi que peu de loups se risquaient à venir ici.

Au milieu de la blancheur suprême qui règnait en ces lieux, on pouvait aperçevoir une silhouette au pelage de la même couleur. C'était Lishee.
Elle n'avait aucune idée de la raison pour laquelle elle se trouvait ici. Elle avait suivi son propre instinc. Il faut avouer que ce n'était absolument pas une bonne idée, surtout lorsque l'on sait que Lishee est une louve des steppes de pure race. Mais depuis qu'elle a vécu la guerre, elle aime se prouver à elle-même sa force. Ne jamais se laisser abattre avait été pendant longtemps une de ses expressions favorites, et elle tenait à confirmer ses paroles. C'est pourquoi elle se confrontait souvent à situations extrêmes. Elle confirmait ainsi qu'elle était forte, puissante.

Seulement, sa seule volonté ne pourra jamais la protégée contre la violence de la Toundra. Très peu habituée aux températures froides, Lishee n'avait pas tarder à trembler. Les bourrasques de vent la fouettait avec vigueur, la faisant souvent perdre l'équilibre : en effet, aujourd'hui, la Toundra était proie à une tempête de neige. Le blizzard l'allourdissait, mais jamais elle ne s'effrondrerait - c'était du moins ce que s'était promis Lishee.
Tentant de vaincre cet adversaire aux armes immatérielles, la louve Illuminati se rendit compte qu'elle n'était plus seule. Quelques mètres devant elle, se mouvait une forme noire. Indescriptible, car Lishee n'y voyait absolument rien : D'ailleurs, il était impossible que l'être qui habitait cette forme noire se soit rendu compte de la présence de Lishee. En effet, la neige s'écroulait sur son pelage dont la couleur était toute pareille ; il n'y avait ainsi meilleur camouflage. La louve prit alors pour but de suivre cette forme mystérieuse.
Elle la perdait souvent de vue, et avait peur de la perdre. Elle avait réellement envie de parler à cet être, qui qu'il soit. Elle ne comprenait d'ailleurs pas pourquoi un loup se trouvait à cet endroit là en cette saison.

Et puis la forme s'arrêta. Lishee fit de même, l'examinant de loin. Au bout de quelques secondes, elle remarqua que le loup avait disparu ! Elle s'avança donc, timidement et engourdie par le froid. Elle trouva l'entrée d'une cavité souterraine - un simple trou ? un tunnel ? elle n'en savait rien. Il émanait de cet endroit une certaine chaleur, et peu de neige semblait y entrer. Alors qu'elle souhaitait faire son entrée à son tour, elle remarqua que la forme la fixait de l'intérieur. Des yeux d'un jaune fauve la guettait, brillants. En temps normal, elle aurait demandé gentillement de rentrer, cependant les bourrasques se faisaient de plus en plus puissantes, et Lishee n'avait donc pas à perdre de temps pour ce genre de futilités. Agilement, elle bondit dans le trou. Mais le trou était étroit, et le loup y prenait la majeure partie de la place ; c'est pourquoi il n'était pas étonnant qu'elle lui donne quelques coups involontaires.

Une fois à l'intérieur, Lishee courra vers le fond de la cavité - vérifier si il y avait ou non un fond. Et oui, c'était une sorte de grotte peu profonde. Elle se retourna donc, et s'adressa au loup qu'elle avait bousculé :
- Qui êtes vous ?

Le loup de jais ne pouvait apercevoir longtemps l'extérieur, mais il cru voir une silhouette neigeuse. Peut-être était-ce la tempête qui créait cet effet. Afin de protéger ses délicats yeux, il se mit une patte sur la figure, et attendit. Il ressentait déjà l'apaisement de la faible chaleur qui recouvrait son corps, et qui l'enivrait. Le vent s'infiltrait dans son tunnel ; caressait son poil crasseux, et le faisait frissonner. Mais le bruit même de la tempête, la neige abondante qui absorbait les sons créait un silence effroyable. Il se rendait compte maintenant qu'autour de lui, il n'y avait plus rien, pas une seule âme. C'est du moins ce qu'il pensait. Il existait deux sortes de solitudes : la solitude de caractère, et la solitude de sentiment. Lui n'avait jamais vraiment eu personne qui tenait à lui, pas de parent, pas de famille, pas d'ami. Alors il errait seul, un peu contraint, même si cela ne le dérangeait pas plus que ça. Oh, il y avait bien Iye qui n'était jamais beaucoup très loin. Mais pouvait-on considérer Iye comme un ami ? C'était son maître, celui qui l'avait sauvé, certes. Mais aujourd'hui, il suivait ses traces, en tant qu'apprenti, et un jour Iye ne sera plus là. Et alors, ce sera à lui de le remplacer.

Alors cette tristesse qui l'imprégnait depuis la naissance, qui s'était gravé sur son visage, et qui noyait ses os, ressortait un peu plus. Il ne pensait plus vraiment au froid qu'il faisait, à vrai dire il était tellement glacé, qu'il ne ressentait plus rien du tout. Pendant un moment, il a même cru qu'il n'était plus dans son tunnel, mais dans un endroit sans surface, et sans température. Il du ouvrir les yeux pour se rendre compte que rien n'avait changé, qu'il était toujours là, dans son tunnel inconnu, dans cet endroit désert. Il en profita pour regarder un peu plus ce dit désert. Ce désert blanc nacré, si pur. Il aimait beaucoup la neige, car elle l'apaisait en quelque sorte. C'était amusant de savoir que c'était une simple poudreuse. Comme quoi, d'infimes particules pouvaient créer un effet important sur un être entier. Il ignorait quelle était la profondeur de cette neige. Il se souvenait que ses pattes entières se perdaient dedans, et qu'il luttait pour avancer. Il se souvenait aussi que pour rentrer dans ce tunnel, il avait creusé beaucoup de neige. Mais alors, il allait être enseveli ? Il ressentit un sentiment de panique.

Mais alors qu'il tentait de dégager la neige qui le recouvrait, une silhouette bondit dans son trou. Il fut étouffé par un pelage blanc et glacé, et écrasé contre la paroi de son petit tunnel. Ne sachant comment réagir, il resta sans voix, immobile, coi. Cette louve tentait de s'incruster dans SON trou, sans SA permission. Mais il la laissa faire, subissant les étouffements, la pression. Il avait l'impression que ses os allaient céder sous la force de la louve, car celle-ci n'était pas non plus gênée. Il recevait pas moment des coups de griffe, essentiellement sur ses pattes, tellement la louve voulait rentrer dans le terrier où lui-même, seul, avait eu du mal à se glisser. Enfin, elle réussit à se placer. La chaleur que lui procurait son épaisse fourrure était agréable ; mais cette louve restait à ses yeux une parfaite inconnue.

- Qui êtes vous ?

Elle se permettait de poser cette question, elle qui avait eu le culot de s'emparer de son refuge ? C'était plutôt à lui de la lui poser ; il aurait même du le faire bien avant qu'elle ne bondisse sur lui. Mais il n'était pas de ce genre là, et préféra ne faire aucun commentaire. Peut-être avait-il un peu peur de ce que cette louve pouvait faire, s'il la vexait. Pourtant elle n'avait pas l'air bien méchante, et elle aussi devait mourir de froid. D'ailleurs, que fait-elle en cet endroit ? Il lui sembla, sans en être sûr, qu'il s'agissait d'une louve des steppes. La question se posait alors d'autant plus. Mais en attendant, qu'allait-il répondre, lui, à sa question ? Il aurait été plus simple de donner un nom. Mais il en était dans l'incapacité. Ce n'était pas sa faute après tout, mais comment allait-elle le voir ? Un loup noir, crasseux, frêle, à la silhouette d'un chien battu, et qui d'autant plus ne portait pas de nom ? Il aurait été préférable de se taire, mais ... Non.

« Un loup errant ; sans importance. »

Sa voix était digne de sa silhouette, tout aussi frêle. Basse, un peu timide, tremblante même, comme s'il n'osait pas vraiment, mais douce et mielleuse. Il fallait aussi rapporter la conversation à quelque chose, ne pas s'attarder sur son cas. Et celui de la louve lui paraissait bien plus important. Cette louve, qui, contrairement à lui, était sans gêne. Mais après tout, peut-être qu'il aurait lui aussi réagit de la même façon. Il était en réalité incapable de le dire, comme si il ne se connaissait pas lui-même. C'était un peu le cas, en fait.

« Vous, qui êtes-vous ? »

Après avoir posé sa question, Lishee était restée droite, face au loup inconnu. Celui-ci avait un pelage de jais, que l'on pouvait déceler malgré la neige blanche qui fondait sur sa fourrure. Il était un peu plus grand que la louve, il ne semblait donc pas être un loup des steppes - Seulement, il était vraiment maigre, et ce n'était pas du tout caractéristique des Loups Arctique. Il devait s'agir d'un croisement...
Lishee examinait ce loup. Elle ne l'avait jamais vu auparavant, et pourtant elle erre sur ces terres depuis une bonne quinzaine d'années... Après réflexion, si il s'amuse à rôder dans des coins isolés tels que la Toundra Nalize, il paraissait normal qu'il se soit fait très discret et n'ai jamais fait entendre parler de lui. Dans tous les cas, elle ne connaissait pas ce loup ; et comme on ne savait jamais sur quel genre d'être on pouvait tomber, il fallait toujours rester sur ses gardes.

Cependant, la louve avait traversé la Toundra Nalize pendant quelques heures, elle subit d'abord des frissons, puis ce fut ses extremités qui réduisaient leur alimentation en sang ; et tout son corps avait donc commencé à s'habituer à la température froide. Le lieu où elle se trouvait maintenant, la cavité, gardait un peu de leur chaleur, et c'était nettement plus agréable - mais pas supportable non plus.

Après avoir analyser l'inconnu, Lishee repensa à la question qu'elle lui avait posé. Elle se rendit alors compte de son amplond quelque peu abusif. Mais il était trop tard pour s'en soucier ou s'en excuser, car déjà, l'inconnu articulait une réponse.
« Un loup errant ; sans importance. »
La louve aurait attendu un nom, une meute ; une origine. L'inconnu ne semblait pas se caractériser comme appartenant à quelque chose. De plus, le "sans importance" faisait réfléchir : Il ne considérait même pas une valeur à son existence ? Comme si il n'avait aucun but, comme s'il se sentait inutile.
Faisant cesser ses réflexions, le loup "errant" enchaîna :
« Vous, qui êtes-vous ? »

- Lishee. répondit-elle aussitôt.
Que devait-elle ajouter ? Le loup ne lui avait rien dit de lui. Mais c'était sûrement car il ne voulait rien dire; ou qu'il n'en voyait pas l'importance. La louve eut une soudaine envie d'aider cet être qui lui paraissait bien insignifiant. Le sauver du mal qui le rongeait. C'est dans cette curiosité qu'elle trouva l'envie de parler à ce frêle inconnu.
- Je suis une Illuminati. Et...
Elle se demanda comment tourner sa phrase. Qu'est-ce qu'elle voulait savoir, au fond ? Elle n'en savait rien. Elle avait juste eu instantanément le désir de connaître le passé de ce loup, qu'est-ce qui l'avait amené à être comme il est aujourd'hui. Ce qu'il avait vécu pour en arriver là...
Puis-je savoir pourquoi tu erres en ces lieux hostiles ?
... Mh, elle n'avait pas trouvé mieux. Mais elle avait peur que le loup ne prenne mal des questions trop directes ; elle l'avait déjà assez brusqué lors de son arrivée.

Le loup s'était senti observé, analysé. Lui n'osait pas vraiment regarder la louve, et fixait l'horizon, ou du moins ce qu'il en voyait.

- Lishee.

Cette louve s'appelait donc Lishee. Quel étrange nom. Mais, à vrai dire, il ne pouvait pas réellement s'avancer sur le sujet. Ainsi, il comprit que sa colocataire temporaire attendait un prénom. C'était assez embêtant de ne pas en avoir, bien qu'il n'eut jamais été confronté directement à ce genre de problème. Personne n'avait jugé nécessaire de lui donner un nom.

- Je suis une Illuminati. Et...

Oh, une illuminati ? C'était intéressant. La louve n'avait pas l'air très vieille, mais pas très jeune non plus. Il n'était pas impossible qu'elle ai rencontré Vaati dans sa jeunesse. Dans tous les cas, elle le connaissait : tout le monde le connaissait. Mais quel était le degrés de savoir de cette louve ? Les Illuminatis savaient tellement de choses qu'ils refusaient de partager.

Puis-je savoir pourquoi tu erres en ces lieux hostiles ?

Cette question le frustra immédiatement. Il n'aimait pas que l'on s'attarde sur son cas, pour la simple raison qu'il n'aimait pas parler. C'était aux autres de parler. Eux étaient plus forts, plus aptes à cela, plus aptes à tout.

« ... »

Un silence s'installa, un silence presque effrayant. Que répondre ? Il était tout simplement arrivé là, sans se souvenir de rien. Sûrement avait-il commis quelque chose d'horrible, et avait fuit loin de toute âme qui vive.

« Je ne sais pas. »

Sa voix était imperceptible, déjà faible, et s'effaçait dans l'air, dans le froid. Mais on pouvait discerner le ridicule. Il ne savait pas ? C'était un loup sans meute, sans nom, sans famille, et il ne savait pas pourquoi il était ici ? C'en était presque comique.

« ... Et vous ? »

Il fallait bien retourner la question, pour donner à son interlocuteur de quoi réfléchir, de quoi l'oublier un peu, et de quoi faire disparaitre son ridicule.